Les laboratoires indépendants en meunerie : quand et comment interviennent-ils ?
En France, les blés et les farines sont soumis à une batterie d’analyses en laboratoires : sanitaires, physico-chimiques et technologiques. De précieuses informations pour les meuniers et, in fine, les boulangers.
Avant la panification au fournil, les blés et les farines passent à travers quantité d’analyses. Il s’agit tout d’abord de garantir la sécurité sanitaire de ces matières premières alimentaires en vérifiant l’absence de contaminants (mycotoxines, pesticides, moisissures, bactéries, métaux lourds, organismes génétiquement modifiés), du moins leur non-dépassement des seuils réglementaires.
Souvent déléguée à des laboratoires sous-traitants, cette première salve d’analyses est réalisée par les organismes collecteurs, puis renouvelée par les meuniers pour s’assurer de « la conformité des blés tout au long de l’année », précise Noémie Mouchard, à la tête avec son mari Arnaud, des Moulins de l’Andelle, situés près de Rouen (Seine-Maritime). À chaque livraison de céréales, ils procèdent à un premier contrôle visuel des grains avant d’envoyer un échantillon à des laboratoires agréés, dont le laboratoire national de la boulangerie-pâtisserie, ou Lempa (pour Laboratoire d’essais des matériels et produits alimentaires), fondé en 1995 à Rouen.
Après écrasement, les farines sont à leur tour soumises à des analyses sanitaires régulières afin de prévenir d’éventuels incidents tout au long de la filière, « comme une infiltration d’eau au moulin qui pourrait impacter les stocks », note Noémie Mouchard. Elle-même a instauré un plan d’action s’inspirant des recommandations du Guide de bonnes pratiques d’hygiène en meunerie publié par l’Association nationale de la meunerie française. Toujours en vue d’optimiser la qualité sanitaire des farines, cette denière a lancé l’été dernier Contrôle F, un plan de surveillance visant à collecter puis à exploiter les analyses de contaminants réalisées par les meuniers et minotiers adhérents.
Rapport ténacité/extensibilité
Les céréales et les farines subissent également une série d’analyses physico-chimiques ainsi que des tests technologiques en vue de s’assurer cette fois de leurs qualités, panifiables notamment, fluctuantes d’une variété de blé et d’une saison à l’autre. « Nous préétablissons des contrats de commande en fonction de nos exigences variétales et nous suivons l’évolution de la qualité des blés tout au long de l’année », précise Aurélie Petit, responsable qualité produits chez Moulins Bourgeois, meunier disposant d’un laboratoire intégré sur son site de production à Verdelot (Seine-et-Marne).
À la récolte, des tests (mesurant le taux de protéines, l’humidité, le poids spécifique, le pourcentage d’impuretés) effectués sur des échantillons représentatifs de blés permettent de valider les perspectives prévisionnelles. Idem avec les farines : taux de protéines, de cendre, d’humidité… sont passés au crible.
Parmi les indicateurs clés, l’indice de chute de Hagberg évalue l’activité enzymatique endogène (impactant la viscosité des pâtes) ; et l’alvéographe de Chopin, la force boulangère (W) ainsi que le rapport ténacité/extensibilité (P/L). Ces données permettent aux meuniers d’établir leurs maquettes de farine — du moins une première mouture, qui sera ajustée par la suite grâce à des tests de panification, comme nous le verrons le mois prochain.
Concentrées durant l’été à la suite de la moisson, ces analyses sont réitérées au cours de l’année afin de s’assurer de la qualité et de la régularité des ingrédients. « Une attente forte des boulangers », observe Noémie Mouchard, qui incorpore les nouveaux blés dans ses farines au fur et à mesure, pour un changement en douceur.
Les analyses sont d’autant plus fréquentes et contraignantes dans le cadre de cahiers des charges de qualité, comme Agriculture Biologique, Label Rouge ou la filière Culture Raisonnée Contrôlée. Ceux-ci imposent des indices et des seuils spécifiques à respecter afin d’obtenir une certification de conformité, à valeur de réassurance pour les consommateurs.